Le trop-plein
Pour le départ, au niveau des ressources, j’avais mis toutes les chances de mon côté ; tout était plein à ras bord.
Les batteries tout d’abord ; 58.4V, le maximum autorisé par le chargeur. Non pas que je n’étais pas sûr d’arriver à destination mais, face à l’inconnu qui allait commencer de défiler sous mes roues, j’avais besoin de me rassurer autant que je le pouvais.
De même pour les appareils électroniques allant m’accompagner durant le voyage, plus aucun ne pouvait recevoir davantage d’énergie en réserve.
Quant à lui, le thermos voyait sa housse – magnifiquement décorée par mes enfants – humidifiée par les dernières molécules d’eau n’ayant pu rejoindre leurs copines à l’abri de la chaleur, faute de place suffisante.
Non prévue et plus débordante encore était l’émotion liée au départ. Accompagné jusqu’à la sortie de notre village par mon trio de coeur, je n’ai pu me retenir une fois que je les avais quittés. Les larmes ont roulé en aussi grand nombre que les pappus des pissenlits des champs avoisinants se sont envolés, emportés comme moi par le vent du départ.
Mais, immédiatement, la réalité de la route s’est rappelée à mon bon souvenir. Dans la toute première descente, la découverte abrupte du comportement totalement différent de mon vélomobile lesté de tous mes bagages et l’absence de frein électrique (moteur) en raison de la quasi-surcharge des batteries ont aussitôt activé les réflexes de survie, court-circuitant l’émotionnel: « Tout doux avec la direction, serre très progressivement les freins, penche-toi à l’intérieur des virages », me dis-je. Ouf, ça a passé! Mais quelles sueurs froides!
Le phare avant et le wattmètre mesurant l’énergie en provenance du soleil ont, quant à eux, eu chaud. Trop chaud. Dans cette descente infernale, suite à une erreur de manipulation de ma part, une surtension dans le circuit électrique les a grillés instantanément. La première aventure est donc survenue quelques minutes à peine après le départ. Paraît que c’est l’expérience qui rentre.
Le jour du départ, il y a donc eu beaucoup, sur tous les plans. Communicants, tous mes différents vases se sont laissé déborder par le trop-plein général. Mais, pour la première fois, je n’ai pas lutté et me suis laissé volontairement dépasser par les événements. Après tout, les larmes sèchent vite, ma tension et celle des batteries vont baisser et la réparation des appareils cassés est d’ores et déjà planifiée.
Tout roule.