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Et son nom sera…
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Le trop-plein
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Et c’est quand le départ?

Et son nom sera…

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La tradition, dans le monde du vélo couché en général et du vélomobile plus particulièrement, veut que ces engins aient un nom. Qui plus est, celui d’une spécialité culinaire originaire de la région dans laquelle il est appelé à circuler. C’est comme ça.

J’aime beaucoup les coutumes. En même temps, je ne trouvais tout d’abord pas réellement de sens à personnifier ce véhicule. Attention, hein, lorsque je naviguais professionnellement, je parlais à mes bateaux car j’ai toujours été convaincu qu’ils avaient une âme. Et, plus d’une fois, ils m’ont écouté, aidé et, ensemble, nous nous sommes ainsi sortis de situations assez dantesques. Ce n’est donc pas que je trouvais cela ridicule de lui donner un nom, à mon Alleweder A4.

Mais déjà, est-ce un garçon ou une fille? La question est plus pernicieuse qu’il n’y paraît. En effet, vélomobile est un nom épicène, ainsi d’aucuns l’emploient au masculin (liaison avec vélo) et d’autres au féminin (rattachement à automobile). Ma préférence va à la première solution.

Bon, mais alors quelle spécialité de mon terroir choisir?
Vacherin? Bof.
Poire à Botzi? Moyen.
Cuchaule? Hem.
Meringue? Oublions.
Cuquette? Stop.

Je n’avais donc aucune idée. Jusqu’au jour où ma fille, entendant mon souci et venant de remarquer les bandes réfléchissantes fraîchement apposées sur le nez de la petite bête, s’est écriée: « Mais, papa, c’est logique; c’est Souricette. Elle est toute grise, a deux oreilles et des moustaches sur le museau! »

Je me laisse faire; extra, c’est donc tout trouvé. Mais… comment je fais alors pour continuer à dire le vélomobile avec ce nom? Eh bien, je ne suis pas différent des autres, j’ai mes propres contradictions. Et voilà.

Le trop-plein

Pour le départ, au niveau des ressources, j’avais mis toutes les chances de mon côté ; tout était plein à ras bord.

Les batteries tout d’abord ; 58.4V, le maximum autorisé par le chargeur. Non pas que je n’étais pas sûr d’arriver à destination mais, face à l’inconnu qui allait commencer de défiler sous mes roues, j’avais besoin de me rassurer autant que je le pouvais.

De même pour les appareils électroniques allant m’accompagner durant le voyage, plus aucun ne pouvait recevoir davantage d’énergie en réserve.

Quant à lui, le thermos voyait sa housse – magnifiquement décorée par mes enfants – humidifiée par les dernières molécules d’eau n’ayant pu rejoindre leurs copines à l’abri de la chaleur, faute de place suffisante.

Non prévue et plus débordante encore était l’émotion liée au départ. Accompagné jusqu’à la sortie de notre village par mon trio de coeur, je n’ai pu me retenir une fois que je les avais quittés. Les larmes ont roulé en aussi grand nombre que les pappus des pissenlits des champs avoisinants se sont envolés, emportés comme moi par le vent du départ.

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Mais, immédiatement, la réalité de la route s’est rappelée à mon bon souvenir. Dans la toute première descente, la découverte abrupte du comportement totalement différent de mon vélomobile lesté de tous mes bagages et l’absence de frein électrique (moteur) en raison de la quasi-surcharge des batteries ont aussitôt activé les réflexes de survie, court-circuitant l’émotionnel: « Tout doux avec la direction, serre très progressivement les freins, penche-toi à l’intérieur des virages », me dis-je. Ouf, ça a passé! Mais quelles sueurs froides!

Le phare avant et le wattmètre mesurant l’énergie en provenance du soleil ont, quant à eux, eu chaud. Trop chaud. Dans cette descente infernale, suite à une erreur de manipulation de ma part, une surtension dans le circuit électrique les a grillés instantanément. La première aventure est donc survenue quelques minutes à peine après le départ. Paraît que c’est l’expérience qui rentre.

Le jour du départ, il y a donc eu beaucoup, sur tous les plans. Communicants, tous mes différents vases se sont laissé déborder par le trop-plein général. Mais, pour la première fois, je n’ai pas lutté et me suis laissé volontairement dépasser par les événements. Après tout, les larmes sèchent vite, ma tension et celle des batteries vont baisser et la réparation des appareils cassés est d’ores et déjà planifiée.

Tout roule.

Et c’est quand le départ?

La date prévue était ce samedi 9 mai. Pas pu…
Contretemps. Envie de prendre le temps.

Au travail, cela s’est terminé sur les chapeaux de roues, le 30 avril dernier. J’avais encore besoin de digérer la transition, de prendre conscience – maintenant que l’excuse du stress professionnel avait disparu – que ce projet de voyage, longuement mûri, était sur le point de devenir réalité.

A la maison, j’ai aussi mieux saisi ces jours ce que le départ en solitaire allait signifier. La séparation d’avec celles et celui qui me sont si chers. Je m’y attendais, c’était bien entendu prévisible. Mais pas à ce point-là. Tout-à-coup, le doute. Pourquoi? Est-ce juste? Fallait-il bien le faire ainsi… et pas plutôt autrement?  Quelques jours de plus m’ont donc été nécessaires; pour bien les voir, pour m’imaginer le départ, pour être certain de ne pas être un fuyard.

Le vélomobile, lui aussi, a eu besoin d’un peu de temps encore. Histoire de se voir apposer les couleurs du projet, de recevoir une toile pour protéger son intérieur de la pluie et aussi d’être paré des lumières nous donnant à tous les deux visibilité et sécurité.

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Capote en mode stationnement...

Capote en mode stationnement…

et façon je roule sous la pluie.

et façon je roule sous la pluie.

Clignotants dédoublés devant.

Clignotants dédoublés devant.

Feux et clignos arrières.

Feux et clignos arrières.

Les hérissons seront vus!

Les hérissons seront vus!

Enfin, il nous fallait nous apprivoiser, lui et moi. Le rodage est maintenant terminé avec les premiers 1000km effectués. C’est bon, nous nous sommes reniflés, ne reste plus qu’à y aller. Je sens bien qu’il piaffe dans le garage, les pistes l’attendent. Quant à moi, je n’ai désormais plus peur de la route car – tu as raison, Luc – elle est belle.

Je pars mercredi.

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